Laissez-vous envoûter par le charme désuet
de ces brodeuses qui filent le temps passé et présent et réveillez-vous aux sons
des carillons. Violet et ses silences saura vous surprendre dans sa vie ordinaire,
bouleversante et si attachante. Un roman qui fait du bien avec le charme à l’anglaise,
en plus !
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Editions La table Ronde - 2020 - 345 pages. |
Un savant mélange de douceurs et d’acidités
brode avec patience des existences ordinaires et solitaires. Sans avoir l’air d’y
toucher, la romancière aborde des sujets forts comme le choix d’aimer sans
tabous, l’émancipation des femmes et surtout le tort, le mal, que font
certaines personnes, maladroitement ou volontairement. Violet ou l’amorce de la lente
émancipation des femmes ! Pour mon plus grand plaisir, la romancière a su
parer l’existence de Violet, son personnage, de fils tour à tour chatoyants ou
dans des tons plus gris. Une peinture réaliste d’une vie ordinaire de femme qui
se révélera exceptionnelle dans ses choix et tellement attachante. Une plume
douce et poétique nous interpelle sur le sort de ces femmes ni trop jeunes, ni
trop vieilles qui n’ont pu ou pas su trouver un mari. Elles ne peuvent pas
tenir le rang tutélaire imposé aux femmes, à savoir s’occuper d’un foyer et
avoir de charmantes, petites têtes blondes. La Première Guerre mondiale, au
service de la grande faucheuse, a broyé énormément de jeunes hommes dans la
fleur de l’âge. Toutes ces jeunes filles de l’après-guerre ont été surnommées
si galamment « excédentaires ». Elles doivent se résigner aux seconds
rôles dans leur famille, dernières près du foyer, se tenir discrètes et le plus
effacées possible. Maintien et tenues sobres voire sans attraits sont de rigueur
et exigées dans une société aux carcans sociétaux rigides et inflexibles. Comme
si, elles n’existaient plus, des formes éthérées aux allures féminines. A
noter, le manque de cordialité de la nouvelle génération féminine et le mépris
des femmes plus âgées. L’entraide et l’empathie entre elles sont curieusement
absentes. Le personnage de la mère de Violet est tout simplement exécrable. J’ai
admiré la force de caractère de la jeune femme qui sait se taire et parfois
tourner en dérision les réflexions et attitudes déplaisantes. Une contenance
qui l’aide à avancer et la conforter dans ses résolutions. Tout doucement, elle
se libère et elle choisit une existence où elle pourra s’épanouir envers et
contre tous.
Les figures masculines sont plus
discrètes, un père et son beau et rassurant souvenir, un frère aux allures
paternalistes. Le petit cœur de Violet battra pour un homme beaucoup plus âgé,
Arthur, sonneur de cloches, de son état. Sans faire de la psychologie, peut-être
une attente de reconnaissance, de sécurité et de sagesse sans parti-pris.
Le récit effleure habilement les
troubles qui agitent l’Allemagne avec la montée en puissance de son redoutable
parti nazi. Un texte souple sans grandiloquence, voulu, pour préserver une vision
authentique du contemporain de l’époque.
Une autre subtilité de la romancière,
son jeu avec les noms des fleurs et leur langage, certainement rien d’anodin !
Tout d’abord Violet, rappelle la
modestie, la timidité, le silence ou l’amour secret ; des thèmes liés à la
personnalité de la jeune femme et du tournant que prend sa vie amoureuse. Iris,
la fleur préférée de Mrs Pesel, oui, mais pas seulement … Souvent affiliée au
deuil, la sagesse et l’espoir ! Une corrélation suggérée par les fleurs
peintes sur les bordures des coussins : les filfots, toute une symbolique
odinique, réutilisée dans une forme plus primaire par les nazis, la croix gammée
! Ah, j’oubliais, « Speedwell », se traduit, Véronique, une fleur et
aussi un prénom …
Un thé chaud qui réconforte, une
lecture surprenante qui a su me conquérir avec ses descriptions de la campagne
anglaise, de ses non moins célèbres cathédrales, avec ses pubs si pittoresques !
Avec une coquetterie en trompe l’œil, Tracy Chevalier m’a séduite …
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Tracy Chevalier est une romancière américaine ; elle vit à Londres depuis 1984. Sa carrière débute en 1997 (V.O) avec "La vierge en bleu". Son grand succès littéraire sera "La jeune fille à la perle" (1999), un roman inspiré par le célèbre tableau de Vermeer.
- "Le récital des anges" (2002), "La dame à la licorne" (2003), "La vierge en bleu" (2004), "L'innocence" (2007), Prodigieuses créatures" (2010), "La dernière fugitive" (2013), "La Grande Guerre" (2015), "A l'orée du verger" (2016), "Le nouveau" (2017).
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