jeudi 21 juin 2018

"Brooklyn follies" de Paul Auster.


Un hymne aux gens ordinaires …
2005 - Actes Sud -
Traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Christine Le Bœuf.
364 pages.

"Il ne faut jamais sous-estimer le pouvoir des livres." (p 362)

Le narrateur Nathan Glass, retraité, cancéreux en rémission cherche « un endroit où mourir ». Il s’installe dans le quartier de son enfance, Brooklyn. Son installation donne lieu à tout un tas de souvenirs. Sa famille brisée, décès tragique d’une sœur, divorcé et fâché avec sa fille unique, Rachel ; il se sent seul et monte un projet d’écriture un peu fou sur "toutes les gaffes, tous les lapsus, tous les embarras, toutes les stupidités, toutes les actions ineptes." (p 14) Ce récit, il l’appelle pompeusement le livre de la folie humaine ! Il y consigne ses déboires et aussi les mésaventures de son entourage proche ou lointain entourage. Un vaste programme … Petit à petit, il prend ses marques dans le quartier. Un jour, par hasard, dans une librairie d’occasion et de livres rares, il rencontre son neveu, Tom Wood, employé dans l’établissement. Naturellement, ils se retrouvent autour d’une table du Diner Cosmic, servis par la charmante Marina. Gentiment, ils y discutent de littérature, de leurs vies et famille, de la société américaine et de politique. Le futur pointe son nez et leur réserve bien des surprises et des rencontres hautes en couleur qui modifieront le cours de  leurs existences.
Paul Auster, pour notre plus grand plaisir, nous offre une profusion de personnages : Nathan Glass, à la vie tranquille ; Tom Wood, sympathique et timide jeune homme qui cherche sa voie ; mais aussi Harry Brightman, libraire excentrique, au passé d’escroc, toujours prêt à se jeter dans des combines douteuses, malgré tout charmant et accueillant. Aurora, sœur de Tom et nièce de Nathan, adolescente rebelle et jeune femme sulfureuse dans ses choix de vie. Et sa petite fille, Lucy, gracile et débrouillarde qui s’impose sans un mot et surtout sans prévenir ! Et tant d’autres encore apparaissent dans des épisodes de tranches de vie où rencontres inattendues côtoient révélations troublantes à l’ombre de petits voyous, et d’actes stupides des hommes face à un joli sourire pour finir avec des rebondissements cocasses à l’aube d’une vie nouvelle.
Le romancier nous fait l’éloge d’un quartier où le bonheur est fait de petits riens, de moments entre amis, en famille ; de flâner et d’apprécier tout doucement le temps qui passe. Le paradis, c’est Brooklyn !!! – Le rêve d’une vie meilleure à l’hôtel existence, le refuge intérieur qui permet de se sentir à l’abri des coups, dans une bulle toute cotonneuse ; et si nous pouvions lui donner vie, la rendre réelle et palpable !
"Je veux parler de bonheur et de bien-être, de ces instants rares et inattendus où la voix intérieure se tait et où l’on se sent à l’unisson avec le monde." (p 202)
Petite critique, on regrette le côté un peu trop caricatural du personnage d’Aurora, trop de clichés sur une même tête !
J’ai aimé sans conditions les évocations littéraires, les belles anecdotes sur certains auteurs, je pense à l’émouvante histoire de Kafka et la poupée !!! Ce roman reste une belle histoire familiale, intimiste, avec des protagonistes proches de nous avec leurs  faiblesses, d’une existence pas toujours maîtrisée où le hasard joue un rôle que nous ne reconnaissons pas toujours.
La force de ces chapitres de vies prend toute sa force et son importance le matin d’un apocalyptique jour de septembre 2001 qui ferme le roman …
" Mais pour l’instant, il était encore huit heures et je marchais dans l’avenue sous ce ciel d’un bleu éclatant, heureux, mes amis, aussi heureux qu’homme le fut jamais en ce monde." (p 364)

Aparté - Sous le charme de la plume du romancier, j'ai acquis deux autres de ses romans : "L'invention de la solitude" et "La musique du hasard". Des œuvres à dévorer cet été !!!


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Paul Auster, est né le 3 février 1947 dans le New Jersey, aux Etats-Unis. Une partie de son œuvre évoque la ville de New-York, notamment le quartier de Brooklyn où il vit. Il démarre sa carrière en traduisant des auteurs français tels que Stéphane Mallarmé, Jean-Paul Sartre. Écrivain très prolixe et mondialement connu, voici une petite énumération de quelques-unes de ses œuvres : L’invention de la solitude (1982) – Trilogie New Yorkaise (1987) -La musique du hasard  (1990) – le voyage d’Anna Blume (1993 ) – Brooklyn Follies (2008) – Sunset Park (2010) et son petit dernier qui rencontre un franc succès 4321 (2018).
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