mardi 7 février 2017

"Agatha Christie, le chapitre perdu" de Brigitte Kernel


Ce roman aborde l'épisode le plus romanesque de la vie d'Agatha Christie : sa disparition du 3 au 14 décembre 1926. Brigitte Kernel se glisse dans la peau de la romancière pour donner sa version des faits qui à l'époque ont fait la une des journaux. Elle raconte une histoire d’amour, de vengeance et de trahison.

L'histoire commence, au moment où Agatha Christie met le point final à son autobiographie. Elle connaît déjà les réflexions de son éditeur ; à savoir, elle ne mentionne pas les événements de décembre 1926. Ils devraient se placer entre le chapitre V et VI. Ces pages," le chapitre V bis", entrouvre une porte vers des souvenirs intimistes et douloureux.


Très affectée par la mort de sa mère adorée, et par l’attitude de son mari infidèle, la romancière s'enfuit de chez elle - au volant de sa Morris Cowley - avec l'intention de se suicider- Elle a choisi de mourir noyée dans le lac "Silent Pool", un endroit qu'elle connaît bien. Suite à un concours de circonstances, elle change d'avis ... Après quelques péripéties que je ne dévoilerai pas, nous la retrouvons à Harrogate (comté du Yorkshire Nord) au Swan Hydropatic Hotel. 

Nous découvrons une femme  amoureuse blessée, mais aussi une enfant désemparée face à la disparition de sa mère. Le coté mélodramatique laisse aussi la place à la romancière qui observe, organise sa vie comme s'il s'agissait de l'un de ses romans ; Hercule Poirot, en personne intervient ! Certains épisodes sont assez amusants, le ton plus léger, avec l'emballement médiatique qui entoure sa disparition. Les discussions vont bon train et même en sa présence, sans toutefois la reconnaître ! Nous découvrons la romancière en action, ses pensées créatrices qui donneront naissance à une œuvre romanesque (peu connue), "Loin de vous ce printemps", publiée sous un pseudonyme, Mary Wesmacott, un roman psychologique qui met en scène un beau portrait de femme face à ses doutes et interrogations. Certaines rumeurs le disait le roman préféré d'Agatha Christie. Avec intelligence, Brigitte Kernel, date les bases de ce manuscrit à cette époque ... 

"Il suffisait de puiser dans la vie pour composer son écriture, de ramener les sentiments enfouis sur le rivage et de les masquer en les portant à l'esprit de personnages de fiction." (p 177)

Des traits rapides nous dressent une idée de la vie aristocratique de cette époque, luxe, résidences secondaires et plaisirs ! Agatha Christie semblent être une femme très attachée à ce milieu ! Et, les idées nouvelles de Sigmund Freud s'immiscent par petites touches discrètes ...

Ce fut une lecture agréable, bien blottie dans mon canapé, le dos calé par des coussins ... Délicieux et surprenant d'imaginer la reine du policier anglais prise dans les affres de la jalousie ! Disparaître pour punir ... Vie privée mise sur le devant de la scène, publicité pour la romancière ... Seul bémol : la pirouette finale, l'amnésie ... Qui en a eu vraiment l’idée ? 

"Les atrocités ne se partagent pas, elles creusent la solitude "
 (p 59)
"Les objets sont parfois une douloureuse piqûre de rappel" (p 98) 


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Brigitte Kernel est romancière et journaliste. Elle est née en 1959 (Vosges). Pendant  vingt- cinq ans , elle a présenté des émissions littéraires sur France Inter, dont "Noctiluque," "Noir sur Blanc," "Un été d’écrivains," "Lire Avec" etc... A la télévision,  chroniqueuse littéraire, elle a participé aux émissions "Rive droite, rive gauche" de Thierry Ardisson sur Paris Première et "Place aux livres" de Patrick Poivre d’Arvor sur LCI.
Son premier roman "Une journée d’Annie Moore" a reçu en 1993 le Prix Paul Guth du Premier Roman. Après "Fais-moi oublier," "A cause d’un baiser" et "Dis-moi oui" parus chez Flammarion, "Agatha Christie, le chapitre disparu" est son nouveau roman. 
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