samedi 27 janvier 2018

"Le grand Meaulnes" d'Alain-Fournier.


Une féerique aventure romanesque …

1913 - N.R.F - 1980 - Le livre de poche.
315 pages.



« Il arriva chez nous un dimanche de novembre 189… » : Petite phrase simple et claire qui donne déjà tout le mystère du livre. 
Augustin Meaulnes élève de 17 ans, que sa mère confie en pension aux Seurel, des instituteurs de Sainte-Agathe et parents du narrateur, François Seurel.  La calme vie de l’école est bouleversée, Meaulnes a le don de traîner le romanesque à ses semelles. Parti chercher les grands-parents Seurel à la gare, il somnole et s’égare. Il trouve refuge dans un mystérieux domaine où se joue une fête étrange – pêle-mêle d’enfants, de paysans et de bohémiens déguisés -  pour les fiançailles du fils du propriétaire, un certain Frantz de Galais. Une promenade a été organisée et Meaulnes aperçoit une belle jeune fille blonde, Yvonne de Galais, qui exerce aussitôt sur lui une étrange fascination. Mais la fête s’achève dans la mélancolie et la tristesse, Frantz revient seul et se confie à Meaulnes. De retour à sainte-Agathe, il cherche à localiser le domaine. Alors, pour quelques chapitres, le roman prend l’aspect d’une enquête. Un jour, un bohémien vient en aide au jeune homme, c’est Frantz de Galais. La quête du bonheur prend forme, celle de Meaulnes et celle de Frantz, intimement liées par un serment. Augustin Meaulnes retrouvera Yvonne grâce à François. Après le mariage, il part suite à l’appel de Frantz. Restée seule, avec Seurel, elle trouvera un confident. Un moment unique où se dévoile le sens de l’aventure, révèle le double regard de l’amour et de l’amitié ; un moment de dernier bonheur avant les tragiques épisodes de la fin. Je n'irai pas plus loin, il faut absolument lire ce livre. 

"Il lui sembla bientôt que le vent lui portait le son d'une musique perdue. C'était comme un souvenir plein de charme et de regret. Il se rappela le temps où sa mère, jeune encore, se mettait au piano l'après-midi dans le salon, et lui, sans rien dire, derrière la porte qui donnait sur le jardin, il l'écoutait jusqu’à la nuit ..." (p 75).

Ce roman  continue de m’émouvoir, j’y retrouve certains détails de la vie quotidienne : les soirées en famille, l’attente des jours de fête, une ancienne atmosphère d’école, la douceur poétique des promenades à la campagne, une nature complice. Ensuite, une aventure initiatique, un passage essentiel : celui de l’enfance heureuse  à l’adolescence où tous les rêves sont possibles, mais aussi tous les déchirements, les angoisses, l’amitié sincère et surtout l’amour fou. Mais aussi, les premières désillusions d’adulte s’installent.

Roman d’aventure, poétique, symbolique, récit initiatique, raconte une vraie quête d’un absolu toujours insaisissable !

J’aime le romantisme des personnages : leur nostalgie (le narrateur François), leur mélancolie, leurs passions (Frantz et  Augustin),  leur goût pour la solitude. Yvonne, personnage féminin incarne la candeur, la fraicheur la beauté, stéréotype même de la charmante princesse des contes de fées, une présence mystérieuse et fugitive, qui bouleverse Meaulnes et pourtant qui se révèle raisonnable, patiente et compréhensive.

"Souvent, plus tard, lorsqu'il s'endormait après avoir désespérément essayé de se rappeler le beau visage effacé, il voyait en rêve passer des rangées de jeunes femmes qui ressemblaient à celle-ci.. L'une avait un chapeau comme elle et l'autre son air un peu penché ; l'autre son regard si pur ; l'autre encore sa taille fine, et l'autre avait aussi ses yeux bleus ; mais aucune de ces femmes n'était jamais la grande jeune fille." (p 95)

 Même la nature possède des échos romantiques, les souvenirs personnels de l’auteur mystifient et embellissent les paysages de Sologne et du Berry. Une seule envie partir dans cette région et prendre ces sentiers, se perdre dans ces sous-bois et découvrir au détour d’un chemin de terre, une demeure vieillissante, figée dans le temps, cachée par du lierre envahissant et des rosiers sauvages. Et certainement pénétrer, ouvrir des portes, marcher sur la pointe des pieds et chercher les empreintes du passé et peut-être les vestiges d’une dernière fête !

Je possède toujours mon premier exemplaire, maintenant jauni, à la couverture légèrement cornée ; certains passages du livre sont soulignés ou cochés, juste pour me rappeler  le charme de ses phrases, la force évocatrice de ses mots. Un roman que je relis assez régulièrement avec le même plaisir, une nécessité pour mon bien-être imaginatif et assoiffé de nostalgie ;  jamais lassée par cette fiction aux allures de conte mystérieux, féerique  et idéaliste.

" Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant
D'une femme inconnue, et j’aime, et qui m’aime,
Et qui n’est chaque fois, ni tout à fait la même
Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend."

Paul Verlaine, « Mon rêve familier » « (poèmes saturniens, 1866).
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Henri Alban Fournier dit Alain-Fournier est né en 1886 en Sologne de parents instituteurs. Là se déroule une enfance heureuse auprès de parents instruits et d’une sœur adorée, Isabelle. En 1903, au lycée à Paris, il rencontre Jacques Rivière. C’est lé début d’une amitié profonde qui donnera lieu à une correspondance importante. Ecrire est sa passion. C’est en 1913 que le manuscrit du « Grand Meaulnes » est présenté aux éditeurs et rencontre un succès immédiat. Premier et unique roman ! Le 28 septembre 1914, Alain-fournier trouve la mort dans les tranchées, au cours de la Première Guerre Mondiale.
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