Editions Milady (Hauteville) 2018 - 507 pages. |
La romancière, artiste, à son tour, nous prend par
la main et nous invite dans un Londres victorien. Clio
et Calliope lui ont murmuré cette œuvre furieusement romantique aux accents
tragiques pour notre plus grand plaisir. Lizzie Siddal s’élance vers des
hauteurs sublimes aux côtés de peintres enchanteurs, poétiques et tellement
doués. Tout le long de sa trop courte vie, elle inspirera les plus grands pour
des œuvres qui rendront hommage aux plus belles plumes telles que celle de William
Shakespeare et ses puissantes tragédies. Bien malgré elle, elle a influencé
leur vision de la beauté idéale féminine.
Au tout début du roman, un décor
romantique s’esquisse : une rencontre au crépuscule sur un pont baigné de
brouillard. Une jeune femme en danger, l’intervention d’un preux chevalier des
temps modernes, une silhouette fuyante et l’espace d’un instant deux regards
qui se croisent. Le destin est en marche et impossible, pour moi, pauvre et
faible lectrice de lâcher ce récit. J’ai été envoûtée, subjuguée, par cette
force narratrice et terriblement tragique. Notre petite Lizzie, tant sa beauté
éclatante et si différente des stéréotypes de l’époque avec son caractère si
pur et franc, nous évoque par sa blancheur éthérée la possible union d’une
humaine et d’un ange. Tout le long du roman, l’accent est continuellement mis
sur sa personnalité quasi-surnaturelle. Sans jouer la coquette ou la femme
fatale, elle aimante et attire avec naturel les artistes. Sa chevelure de feu
longue et bouclée objet sensuel par excellence attise toutes les imaginations. Elle
saura se garder pour un seul homme et ne se transformera pas en modèle superficiel et léger de mœurs. Personne ne résistera à son charme ! Une
muse pour tous ces peintres en mal de chef-d’œuvre !
Quel plaisir de battre le pavé des
promenades londoniennes aux bras des plus grands noms de la peinture anglaise
de XIXe siècle en jaquettes et hauts de forme. Vivre leurs balbutiements sur
des toiles, partager leurs doutes et leurs joies. Des œuvres qui traverseront
les siècles et que nous admirons encore. « La nuit des rois » de
Walter Deverell et Lizzie qui incarne Viola en jeune page timide et amoureux.
Les toutes premières poses d’Elisabeth Siddal en tant que modèle qui lui permettront
de rencontrer son unique et grand amour Dante Gabriel Rossetti. Celui-ci croit
reconnaître en elle, la réincarnation de Béatrice, le grand amour de Dante Alighieri
dont il traduit les vers. Il porte un grand intérêt à la littérature et l’art médiéval
italien. Il la dessine et la peint compulsivement.
Rossetti, toute
à sa peinture apparaît comme un jeune homme fougueux et un amoureux égoïste ;
il ne voit pas plus loin que le bout de ses pinceaux tout à sa palette de couleurs,
obnubilé par ses transfigurations de la beauté. Il ne s’aperçoit pas de la
fragilité de Lizzie et de ses besoins et aspirations, ou bien, il se refuse à
les voir. Tout au service de son art,
est-il vraiment à blâmer ? Lizzie n’est pas totalement différente !
Elle aussi, s’épuise et s’oublie lorsqu’elle dessine et jette sur papier ses poèmes,
si tristes et si beaux ! Elle ne se ménage pas et elle prend très au
sérieux son rôle de modèle. Elle vit son rêve ! Rappelons à notre mémoire, son abnégation totale
dans les longues heures de poses pour le peintre Millais plongée dans une
baignoire. Une œuvre magnifique et poétique verra le jour, la très célèbre « Ophélie ».
Elle flotte et chantonne entourée de
fleurs avant de sombrer dans les eaux sombres. Terriblement prémonitoire …
Demandons
comme Lamartine, au temps de se suspendre pendant cette lecture à l’écriture
féerique, si juste dans le choix de la narration et du vocabulaire, aux belles
envolées lyriques maîtrisées. Une mise en scène impeccable d’une destinée trop
courte et si belle, chère aux poètes romantiques, nous charme et nous attriste.
Une deuxième lecture s’imposera par-delà l’effet de la découverte pour mieux s’imprégner
et se laisser bercer par cette si belle et particulière atmosphère. Nous
nous surprendrons à chuchoter certaines passages si beaux et si enchanteurs. Et
aussi, partir à la découverte du poète Tennyson, si cher au cœur de Lizzie,
simplement pour prolonger le charme …
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Rita Cameron est américaine, elle a étudié la littérature anglaise. "La muse" est son premier roman.
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