vendredi 17 mai 2019

"La dernière reine" de Philippa Grégory.

Il était une fois Barbe Bleue et sa dernière femme !!!


Catherine Parr se raconte ...

Sixième et dernière épouse du terrible roi d'Angleterre, Henri VIII ...

Top Lectrice France Loisirs.

2018 - Milady - 2019 - France Loisirs.
Traduit de l'anglais par Alain Sainte-Marie.
626 pages.
Cette jeune femme d'une trentaine d'années nous convie dans son existence, dans son intimité et surtout dans son époque. Par deux fois veuve, elle aspirait à une nouvelle vie avec son grand amour, Thomas Seymour. Le frère de la malheureuse Jane Seymour, troisième épouse du roi et morte à la suite de ses couches ( son fils Edouard VI, l'héritier du trône). Les Seymour restent les favoris en titre. Malheureusement, le roi Henri VIII la convoite et désire en faire sa sixième épouse. Ce qui veut le roi ... Aucune possibilité de refuser ... Elle regrette ses terres du nord de l'Angleterre, loin de l'agitation de la Cour, de ses violences et de ses intrigues. Alors, un an après l'exécution de Catherine Howard, elle devient reine pour son plus grand désarroi. Calme, digne et posée, elle sait cacher ses sentiments et prend soin du roi malade et impotent. A 51 ans, celui-ci n'a plus rien du très célèbre roi séduisant dont toutes les jeunes femmes raffolaient ; il est gras, bouffi et il pue. Une de ses jambes est gangrenée et il tient difficilement debout. A chaque déplacement, le roi est soutenu et porté sur un siège. Ce vieux monarque semble adorer cette nouvelle épouse; Elle s'attache aux enfants royaux et les réconcilie avec leur père. Les deux filles aînées (Marie et Elisabeth) , silencieuses et résignées ne se sentent pas vraiment en sécurité avec cet homme. Leurs mères, elles aussi ont été reines, et leurs sorts tragiques et sanglants ! (Catherine d'Araqon et Anne Boleyn). Catherine les réunit et s'occupera d'eux. Nouvelle reine, elle s'émancipe intellectuellement et spirituellement ; pas forcément au goût du roi et de son entourage. La réforme religieuse se trouve au cœur du roman. Les catholiques et les protestants se livrent une lutte sans merci. Pour épouser la très sulfureuse Anne Boleyn, le roi avait décidé de couper les liens avec le pape et Rome. Le divorce n'était pas envisageable ! Alors Henri VIII s’autoproclame chef spirituel, plus d'intermédiaire entre lui et Dieu. La bible sera même traduite en anglais ! L'anglicanisme est né ... Ces mêmes querelles religieuses mettront Catherine Parr en danger. 

Philippa Grégory nous offre un récit agréable, vivant et nous permet de mieux comprendre les mentalités, mœurs de cette époque riche en conflits, intrigues et guerres. Les Tudor, certainement les dignes héritiers des Atrides !!!  Ce roman ouvre de nouvelles perspectives de compréhension sur le schisme religieux et les spécificités de la religion anglicane. L'ère de la toute-puissance papale se fissure ; les guerres de religion s'annoncent avec toute l'horreur des massacres et procès pour hérésie. Une période vraiment trouble. L'intrigue est très intéressante, Catherine apparaît en femme forte, cultivée et très intelligente. Et de l'intelligence et de la perspicacité, il en faut avec ce roi cruel, paranoïaque, versatile. Elle se bat pour sa survie, le sentiment de sa peur transpire littéralement du roman. Le danger la guette à chaque coin des couloirs de ces châteaux humides et sombres. Elle réussit à composer avec chaque clan, évitant le moindre faux-pas. De quoi faire des cauchemars et tel un roseau, elle se plie au bon vouloir de son époux royal, refoulant ses sentiments les plus profonds. Quatre ans, c'est long, très long avec un homme que l'on n'aime pas, qui s'impose chaque jour ! Nous sommes bien loin des contes de fées ... La condition féminine était tout ce qu'il y a de plus précaire. Et parlons un peu de la Cour, un vrai panier de crabes. Et je sollicite, je complote, je convoite plus de charges et toujours plus de tout ! Sinistres, fourbes et prêts à tout, même à jouer la vie des autres ! Une fin de règne dans la terreur où chacun est suspendu au bon vouloir d'un ogre. Pour terminer, parlons de la plume magnifique de  la romancière, juste et précise avec le tour de force d'être fluide et accessible. Nous sentons, en amont, le prodigieux et fastidieux travail de recherche. Rien ne semble être laissé au hasard ! Un roman historique fascinant, raconté d'une façon captivante, aux dialogues incisifs. Pourtant, ce type de roman laisse la part belle à la subjectivité et parfois l'imagination de l'auteure s'égare un peu. Notamment avec la romance de Catherine Parr et Thomas Seymour. Une passion réciproque et brûlante, peut-être : mais lorsque nous connaissons un peu l'histoire et le personnage, nous sommes plutôt dubitatifs ! Heureusement, cette idylle se retrouve au second plan et ces partis pris ne gâchent en rien le récit. Philippa Grégory a su brosser le portrait d'une reine attachante et certainement la plus intelligente des femmes d'Henri VIII. Une femme qui se révèle cultivée. Elle a su garder sa tête ! Bonne équilibriste, elle a su gérer une situation des plus complexes. Ne pas trébucher, éviter la chute et une mort certaine !!!

"Les reines ont été vues pleurant comme de simples femmes" - Chateaubriand -


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Philippa Grégory, née en 1954, à Nairobi, romancière britannique, est très souvent associée à la fiction historique de par son oeuvre romanesque très prolifique. "Deux soeurs pour un roi" (2009) reste son roman le plus célèbre. Citons aussi : "La princesse blanche" (2014) , "Reines de sang" (2017).
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