jeudi 15 juin 2017

"Les heures" de Michael Cunningham

Titre original : "The hours"
Belfond - 1999-
238 pages.
Trois femmes, trois époques, une journée, un fil conducteur, un roman de Virginia Woolf « Mrs Dalloway », voilà pour la trame de ce roman …Rien de plus n’est donné quant à l’histoire de ce roman ; intriguée, auteur inconnu pour moi et je me lance dans cette nouvelle lecture ! J’aime assez ce concept, ne rien dévoiler quant à la trame de l’histoire ; une totale découverte au fil des pages.

Clarissa est éditrice à New-York à la fin du XXème siècle ; surnommée Mrs Dalloway par son plus tendre ami Richard. D’ailleurs, elle donne en  son honneur un diner qui lui tient vraiment à cœur. Virginia Woolf est romancière en Angleterre en 1923. Elle commence un nouveau roman qui deviendra « Mrs Dalloway ». Elle vit pour l’instant à Richmond le temps de son rétablissement sur les injonctions de son mari. Elle s’ennuie, rêve de retourner à Londres. Laura Brown, mère au foyer demeure à Los Angeles en 1949 ; mère d’un tout jeune garçon « Richie », elle attend son second enfant ; mariée à Dan un ancien militaire, héros de la seconde mondiale. Rat de bibliothèque, lectrice compulsive, elle traverse plus qu’elle ne vit son époque. Nous nous retrouvons face aux figures de la création littéraire : c’est-à-dire, l’écrivain, le personnage et le lecteur.

D’un chapitre à l’autre, nous passons de l’une à l’autre. Le roman commence avec le suicide de Virginia Woolf, nous partageons ses ultimes moments. Episode terrible, écrit avec pudeur, sans pathos rendu réaliste, plausible comme sous le sceau de dernières confidences. Tour à tour, au fil des chapitres, nous nous immisçons dans l’inconscient des ses trois femmes liées par une même connivence spirituelle, une même sensibilité exacerbée proche du désespoir et de la détresse, une forte et puissante dépression chronique. Ce sont des écorchées vives qui cultivent avec brio les apparences et les faux-semblants. Leurs âmes souffrent et crient sans rien laisser en transparaître !!! Peu de notes d’espoir pour leurs espérances inassouvies surtout bien mises en avant chez Laura Brown. Elle préfère se perdre dans la lecture comme une fuite en avant toute intérieure.

Par les monologues intérieurs de ses trois figures féminines, le romancier Michael Cunningham  effleure tout en finesse les thèmes de la maladie (le sida) avec Richard poète maudit, malade au bord de la folie ; de la vie avec Clarissa qui malgré tout trouve que l’existence reste une formidable et belle aventure ; de l’hésitation sexuelle ; de la mort omniprésente, tentation suicidaire pour la plupart des personnages ; du temps personnage à part entière. Tic tac … Pour certains les heures filent trop vite, pour d’autres elles s’étirent vers l’infini !
Tout le long des chapitres qui concernent « Clarissa Dalloway », l’auteur nous renvoie par subtiles touches au roman de Virginia Woolf, des rappels qui si nous avons lu le roman gênent un peu la lecture. Nous nous renvoyons trop dans l’œuvre de Mrs Woolf. Pour aperçu : dans la rue, Clarissa et les badauds sont interpellés par une pétarade qui les attire vers le lieu d’un tournage de séquence de film. Dans « Mrs Dalloway », un pneu qui éclate séduit et captive la foule qui se perd en conjectures quant à l’occupant de l’automobile. A chaque section, inconsciemment, nous cherchons les clins d’œil et la comparaison s’installe : l’achat des fleurs, la soirée qui se prépare, le passé qui resurgit sans cesse etc. Alors, forcément impossible de ne pas prévoir le suicide d’un des personnages. Arrêtons là l’énumération le plaisir de la découverte risque d’être gâché !
L'adaptation cinématographique



Ne pas chercher d’action, dans ce roman, il n’y en a pas ! « Les heures » reste un récit introspectif, tout en douceur et en tristesse. Une très belle surprise, une lecture subtile et un très bel hommage à Virginia Woolf. J’ai beaucoup aimé le regard de l’auteur sur la romancière, sa douleur morale et sa difficulté à écrire. Je me suis surprise relire plusieurs fois certains passages avec un réel plaisir, emportée dans les détails, l’artistique, les émotions et la délicatesse !

"Elle aurait pu avoir une vie aussi riche et dangereuse que la littérature" -p 107 -

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Michael Cunningham, romancier américain est né à Cincinnati en Ohio le 6 novembre 1952. Il a grandit à Pasadena, en Californie. Il a étudié la littérature anglaise à l’université Stanford où il a obtenu une licence en Lettres. Très impliqué dans la lutte contre le sida, il participe à la naissance d’Act-Up. Il vit actuellement à New York.
Ses romans : « La maison du bout du monde » (1992) – « De chair et de sang » (1995) – « Les heures » (1999) – « Le livre des jours » (2005) – « Crépuscule » (2011) – « Snow Queen » (2015) – « Ils vécurent heureux, eurent beaucoup, d’enfants et puis …» - (2016).
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