Titre original : "The hours" Belfond - 1999- 238 pages. |
Trois femmes, trois époques, une journée, un
fil conducteur, un roman de Virginia Woolf « Mrs Dalloway », voilà
pour la trame de ce roman …Rien de plus n’est donné quant à l’histoire de ce
roman ; intriguée, auteur inconnu pour moi et je me lance dans cette
nouvelle lecture ! J’aime assez ce concept, ne rien dévoiler quant à la
trame de l’histoire ; une totale découverte au fil des pages.
Clarissa est éditrice à New-York à la fin du
XXème siècle ; surnommée Mrs Dalloway par son plus tendre ami Richard. D’ailleurs,
elle donne en son honneur un diner qui lui tient vraiment à cœur. Virginia Woolf est
romancière en Angleterre en 1923. Elle commence un nouveau roman qui deviendra « Mrs
Dalloway ». Elle vit pour l’instant à Richmond le temps de son
rétablissement sur les injonctions de son mari. Elle s’ennuie, rêve de
retourner à Londres. Laura Brown, mère au foyer demeure à Los Angeles en 1949 ;
mère d’un tout jeune garçon « Richie », elle attend son second enfant ;
mariée à Dan un ancien militaire, héros de la seconde mondiale. Rat de
bibliothèque, lectrice compulsive, elle traverse plus qu’elle ne vit son époque.
Nous nous retrouvons face aux figures de la création littéraire : c’est-à-dire,
l’écrivain, le personnage et le lecteur.
D’un chapitre à l’autre, nous passons de l’une
à l’autre. Le roman commence avec le suicide de Virginia Woolf, nous partageons
ses ultimes moments. Episode terrible, écrit avec pudeur, sans pathos rendu
réaliste, plausible comme sous le sceau de dernières confidences. Tour à tour,
au fil des chapitres, nous nous immisçons dans l’inconscient des ses trois
femmes liées par une même connivence spirituelle, une même sensibilité exacerbée
proche du désespoir et de la détresse, une forte et puissante dépression
chronique. Ce sont des écorchées vives qui cultivent avec brio les apparences
et les faux-semblants. Leurs âmes souffrent et crient sans rien laisser en transparaître !!!
Peu de notes d’espoir pour leurs espérances inassouvies surtout bien mises en avant
chez Laura Brown. Elle préfère se perdre dans la lecture comme une fuite en avant
toute intérieure.
Par les monologues intérieurs de ses trois figures
féminines, le romancier Michael Cunningham effleure tout en finesse les thèmes de la
maladie (le sida) avec Richard poète maudit, malade au bord de la folie ;
de la vie avec Clarissa qui malgré tout trouve que l’existence reste une
formidable et belle aventure ; de l’hésitation sexuelle ; de la mort omniprésente,
tentation suicidaire pour la plupart des personnages ; du temps personnage à
part entière. Tic tac … Pour certains les heures filent trop vite, pour d’autres
elles s’étirent vers l’infini !
Tout le long des chapitres qui concernent « Clarissa
Dalloway », l’auteur nous renvoie par subtiles touches au roman de Virginia
Woolf, des rappels qui si nous avons lu le roman gênent un peu la lecture. Nous
nous renvoyons trop dans l’œuvre de Mrs Woolf. Pour aperçu : dans la rue,
Clarissa et les badauds sont interpellés par une pétarade qui les attire vers
le lieu d’un tournage de séquence de film. Dans « Mrs Dalloway », un
pneu qui éclate séduit et captive la foule qui se perd en conjectures quant à l’occupant
de l’automobile. A chaque section, inconsciemment, nous cherchons les clins d’œil
et la comparaison s’installe : l’achat des fleurs, la soirée qui se
prépare, le passé qui resurgit sans cesse etc. Alors, forcément impossible de
ne pas prévoir le suicide d’un des personnages. Arrêtons là l’énumération le
plaisir de la découverte risque d’être gâché !
Ne pas chercher d’action, dans ce roman, il n’y
en a pas ! « Les heures » reste un récit introspectif, tout en
douceur et en tristesse. Une très belle surprise, une lecture subtile et un
très bel hommage à Virginia Woolf. J’ai beaucoup aimé le regard de l’auteur sur
la romancière, sa douleur morale et sa difficulté à écrire. Je me suis
surprise relire plusieurs fois certains passages avec un réel plaisir,
emportée dans les détails, l’artistique, les émotions et la délicatesse !
"Elle aurait pu avoir une vie aussi riche et dangereuse que la littérature" -p 107 -
_________________________________________________________________________
Michael Cunningham, romancier américain est né à Cincinnati en Ohio le 6 novembre 1952. Il a grandit à Pasadena, en Californie. Il a étudié la littérature anglaise à l’université Stanford où il a obtenu une licence en Lettres. Très impliqué dans la lutte contre le sida, il participe à la naissance d’Act-Up. Il vit actuellement à New York.
Ses romans : « La maison du bout du monde » (1992) – « De chair et de sang » (1995) – « Les heures » (1999) – « Le livre des jours » (2005) – « Crépuscule » (2011) – « Snow Queen » (2015) – « Ils vécurent heureux, eurent beaucoup, d’enfants et puis …» - (2016).
_________________________________________________________________________
_________________________________________________________________________
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire