jeudi 29 juin 2017

"D'après une histoire vraie" de Delphine de Vigan.

JC Lattès 2015.
479 pages.


L. est entrée en douceur, avec une infinie délicatesse, et j’ai passé avec elle des moments d’une émouvante complicité."  p 14-

Delphine, narratrice et romancière, très semblable à l’auteur, nous raconte un épisode de son existence.  Après la parution de son dernier roman, autobiographique, en pleine confusion, épuisée psychologiquement, elle tombe peu à peu en dépression, bien au-delà de la simple panne d’inspiration. Elle rencontre L., personnage féminin séduisant et fascinant. Elle ne sera jamais autrement désignée que par cette initiale. Immédiatement, c’est le coup de foudre amical. Peu à peu, elle va s’immiscer dans son quotidien,  et s’emparer subtilement  des commandes de son existence tellement  troublée et  désocialisée ; elle ne trouvera personne sur son chemin pour l’en empêcher. 

 " Elle ravivait cet espoir inassouvi d’être plus belle, plus spirituelle, plus confiante, d’être quelqu’un d’autre en somme …" p 88 


L. comprend mieux que personne le désarroi de Delphine. Elle évolue dans les mêmes sphères. L. écrit pour le compte des autres « un nègre » dans le milieu littéraire, elle reste dans l’ombre ; comme avec la narratrice ; son entourage ne la rencontrera jamais. Cette parenthèse douloureuse pourrait très bien être probable. 
Pourtant, «D'après une histoire vraie » ressemble plus à un roman psychologique qu’à une autobiographie. Le thème du livre reste la relation hors norme, l’emprise mentale, qu’entretient Delphine avec L. En filigrane, se dessine la question du vrai, du vécu dans l’écriture. Jusqu’où le romancier doit-il se dévoiler ? Au début du récit, il nous arrive de penser qu’il est une suite possible de son précédent roman « Rien ne s’oppose à la nuit ».

"Je crois que les gens savent que rien de ce que nous écrivons ne nous est tout à fait étranger. Ils savent qu’il y a toujours un fil, un motif, une faille, qui nous relie au texte." - p 103-

Néanmoins, les pistes se brouillent … Et si tout ceci n’était pas vrai ! A-t-elle vraiment vécu l’angoisse de la page blanche ? Les révélations des pans de son histoire sont-elles arrangées, transformées ou bien tout simplement inventées ? Le roman mélange-il vraiment la vérité et la fiction ?  Qui est la réelle manipulatrice L. ou Delphine ?  Trop d’interrogations étouffent l’intrigue.

Delphine De Vigan se met trop en scène ; la narratrice, lui ressemble trop. Une impression confuse où nous pourrions penser à une attitude quelque peu narcissique, un besoin de se placer en avant ; un culte de la personnalité qu’elle semble vouloir dénoncer. Une attitude déjà relevée dans ses précédents romans, des sujets très intimes. Le suspense n’est pas eu rendez-vous ; pas de surprise dans le scénario. Les passages avec la bibliothèque personnelle de Delphine, le huis clos final n’amènent pas le lecteur vers la stupéfaction, la fébrilité du dénouement !  

Malgré tout, je dirais que se fut une lecture agréable, mais pas ensorcelante … Je m’attendais, certes à plus d’imprévu, de fausses pistes, d’être malmenée, perdue dans l’intrigue.



"A cet instant précis, j’ai pensé cela : de certains mots, de certains regards, on ne guérit pas. Malgré le temps passé, malgré la douceur d’autres mots et d’autres regards."  p 317

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Delphine de Vigan, romancière est née en mars 1966 à Boulogne-Billancourt. A son actif,  huit romans dont "D'après une histoire vraie" en 2015 qui a été couronné par le prix Renaudot et le prix Goncourt des lycéens. Sous le pseudonyme "Lou Delvig", elle écrit son premier roman, déjà d’inspiration autobiographique : Jours sans faim (2002), qui raconte le combat d’une jeune femme contre l’anorexie. L’année suivante, « Les heures souterraines » dénonce le harcèlement moral dans le monde du travail. En 2011, avec «  Rien ne s’oppose à la nuit », elle raconte les souffrances de sa mère atteinte de trouble bipolaire. (Prix du roman Fnac).
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