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Folio - 2022 - 539 pages. |
Avant tout, je tiens à remercier l’équipe de la Masse
Critique de Babelio ainsi que les Editions Gallimard et Folio.
La mémoire, un sujet qui m’intéresse et me touche beaucoup.
Pour faire court, depuis toute jeune, une obsession me tenaille : ne rien
oublier. Mes méninges ont tourné à plein régime. De la méthode du par cœur aux listes codées,
groupes de mots retranscris et numéros de pages notés sur des carnets. J’ai
tout essayé. J’ai logé dans les coins de ma tête tous mes acquis et souvent,
j’y plonge et ressort, comme un clown de sa boîte, multiples réminiscences en
tous genres. Oublier, pas possible ! Si, je ne me souviens pas d’un livre,
forcément, je ne l’ai pas lu ! Et je continue à entretenir cette amie de
toujours.
Un tel essai ne pouvait que me séduire. L’œuvre, L’art de
la mémoire de Frances Yates restera sûrement la grande référence sur les arts
de la mémoire de l’Antiquité jusqu’au XVIIe siècle. L’érudition et l’ampleur du
travail de cette grande universitaire laissent pantois et surtout admiratif.
Nous imaginons, avec une grande admiration, ces d’heures passées à lire, à déchiffrer
tous ces textes anciens pour nous transmettre un formidable ouvrage. Avec
envie, nous la devinons courbée, sur sa table de travail, infatigable travailleuse,
stylo à la main, prenant des notes et inlassablement, donner vie à cet
inoubliable essai.
« L’art de la mémoire est comme une écriture
intérieure. » (P 24)
De l’antiquité gréco-romaine à
la fin de la Renaissance, nous découvrons toutes ces sortes de méthodes pour permettre
aux orateurs, prédicateurs, intellectuels et philosophes d’enregistrer dans
leurs moindres détails leurs idées, discours. Ainsi, ils pouvaient ouvrir à
volonté leur boîte de Pandore. Mémoire
naturelle, aidée et enrichie d’une petite sœur artificielle, des lieux abritaient
comme dans un songe des pensées, mots, images, tous liés et gardiens de la
Mémoire. Un peu des acteurs de la pensée. Des lieux caducs pour les orateurs de
l’Antiquité et des lieux éternels, un côté plus mystique pour ceux de la Renaissance.
Ces différentes méthodes se ressemblent toutes sur le fond et développent au
fil des siècles un travail intellectuel considérable, une formidable émulation
de l’esprit et un travail continu qui tournent à l’obsession pour certains. (Renaissance
italienne). Elles subissent tour à tour les influences philosophiques, religieuses,
et même des écrits hermétiques et cabalistiques. Cet essai est une plongée
assourdissante dans la pensée de notre lointain passé intellectuel et elle nous
offre une nouvelle vision du développement cérébral de ces époques. Sollicités comme dans une « pensine »,
ces silhouettes défilent pour notre plus grand plaisir. Des réminiscences se
lèvent et Simonide, Aristote, Thomas d’Aquin, Pic de La Mirandole, Giulo
Camillo et son fameux théâtre, Giordano Bruno et son funeste destin, Bacon et Leibniz
s’invitent au banquet et nous suggèrent de nouvelles perspectives quant à
l’histoire intellectuelle. Pour ne citer qu’eux. Nos anciens aimaient se poser les bonnes
questions et ils n’hésitaient pas à réfléchir à outrance.
Pour conclure, un ouvrage à lire, il est inutile
d’être un universitaire pour apprécier ce genre d’essai. Juste se poser et se
laisser immerger par l’histoire et ses doctrines. Une belle immersion
historique et intellectuelle ! Le cheminement de ces grands esprits se suit pas à pas avec une relative facilitée. Et
surtout, pas une minute d’ennui.
Une dernière précision : ces méthodes demandent
beaucoup d’effort de concentration. Vous vous en seriez douté !
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Frances A. Yates (1899-1981) était professeur d'histoire de la Renaissance à l'université de Londres, membre de la British Academy, de la Royal Society of Littérature et membre honoraire du Warburg Institute. Ses principaux ouvrages portent sur l'hermétisme de la Renaissance, Giordano Bruno, le Théâtre du Globe et la secte de la Rose-Croix.
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