Croquis d'une histoire familiale ...
2010 - Editions Anne Carrière. Traduit de l'allemand par Bernard Kreiss. 268 pages. |
"En entrant, je fus de
nouveau happée par l’odeur de pomme et de vieilles pierres qui arrivait à ma
rencontre."
(p 29)
Dans un petit village du
nord de l’Allemagne, en été, Iris, la narratrice assiste aux obsèques de sa
grand-mère maternelle, Bertha. Bibliothèque à l’université de Fribourg, elle
retrouve sa mère Christa et ses deux tantes Harriet et Inga. Elle hérite de la
maison familiale et décide de s’y installer quelques jours, le temps pour elle de
décider quoi faire de cet encombrant héritage. Elle n’envisage pas forcément de
la garder. Elle franchit de nouveau le
seuil de cette vieille demeure et alors tous ses souvenirs refluent et la happent
vers un passé familial émouvant, tragique. Un séjour de mémoire et deuil qui s’impose
bien malgré elle. L’horloge du temps égrène l’histoire de trois générations de
femmes par touches très subjectives sans forcément d’ordre chronologique. Un
voile se soulève sur l’existence de Bertha et de sa sœur décédée trop tôt, dans
ce coin d’Allemagne rural , bercée, l’été
(saison chaude à l’honneur dans le récit) par le parfum aigre-doux des pommes mûres
dont la famille semble apprécier les différentes saveurs. Suite à flots d’images
et à des échos de discussions qui
résonnent de nouveau, Iris relate certaines facettes des filles de Bertha et de
ses petites filles : elle et sa cousine Rosemarie, morte tragiquement, l’été
de ses seize ans. La présence de la
maison dévoile des réminiscences oubliées volontairement ou pas, des secrets de
famille tus ; un témoin silencieux de jeunesse fougueuse, parfois méchante
et ambiguë qui cherche à s’affirmer dans
la joie et dans les drames. Le ton est subjectif, pas forcément en adéquation
avec la réalité, c’est vraiment l’interprétation d’Iris avec ses défauts et ses
failles. Cela ne nuit en rien à la fiction familiale.
"Et soudain, j’ai
senti ma gorge se nouer et je n’ai pu m’empêcher de pleurer parce que tout
avait été à la fois si terrible et si beau. " ( p 36)
Un roman résolument féminin
où les hommes, en second plan, apportent les touches d’autorité, de tendresse
et d’amour patient. Une belle romance toute en pudeur et timidité s’installe.
Le maître mot du roman reste celui du souvenir, enrobé d’oubli, aux effluves sucrés
d’un présent alangui par l’été en quête d’un avenir plus épanoui.
"A travers le jardin
écrasé de chaleur, je m’en retournai vers la maison. Une grande libellule
bleu-vert surgit au-dessus des buissons comme un souvenir, s’immobilisa un
instant puis s’évanouit." (p 100)
Un beau roman qui parle de
famille et porte de belles pages,
empreintes de poésie, remplies de sensibilité, de mélancolie, de douleurs
silencieuses et aussi d’espoir. Une belle découverte que je dois à sa couverture
au charme suranné d’une vieille jaquette botanique. Et aussi, l’envie de
connaître un peu mieux la littérature allemande et ses auteurs. Des bases dites
classiques ou scolaires telles que : Goethe et " Les souffrances du
jeune Werther" - Hoffmann et ses "Contes fantastiques" " ;
voilà pour ceux qui me traversent l’esprit ; d’autres viendront
certainement frapper aux portes de ma mémoire ! Mais, sans mentir, il est
vrai que je manque de solides bagages en littérature de langue allemande, à
corriger au plus vite …
Lire sans retenue, pour tous ceux et celles qui aiment se plonger dans les romans au charme savoureux du souvenir, où le passé enveloppe les vies d’un lourd manteau noir recouvert de nostalgie où les maisons hantent les récits de leur empreinte indélébile où le passé se drape de malheurs et d’infortune !!!
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Katharina Hagena, est née en Allemagne en 1967. Spécialiste de l’œuvre de Joyce, elle enseigne la littérature anglaise et allemande à l’université de Hambourg. Son premier roman « Le goût des pépins de pomme » (2010) remporta un triomphe outre-Rhin ; il a été suivi de deux œuvres : «L’envol du héron » (2013) et « Le bruit de la lumière » qui sortira en août 2018.
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