2013 - Belfond. Traduit de l'anglais par Michèle Valencia. 424 pages. |
A chacun sa boite à Pandore ...
Le roman s’ouvre sur une scène terrible :
une jeune femme se jette dans la Tamise. Qui est-elle ? et surtout,
pourquoi un tel geste, si désespéré ?
Dora, jeune femme enceinte,
brisée par son passé, souhaite vaincre ses démons qui la hantent et l’empêche
d’avancer dans son existence et d’apprécier pleinement son bonheur. Elle décide
d’annoncer la nouvelle à sa mère et peut-être d’amorcer un début de dialogue rompu
à son adolescence. Avec appréhension, elle retourne à Clifftops, la maison
familiale dans le Dorset. Une campagne tranquille qui abrite des baies isolées,
des plages de sable et des falaises impressionnantes. Le paradis sur carte
postale où dix ans plus tôt, son jeune frère, Alfie, de 4 ans est décédé
accidentellement. Depuis, un terrible sentiment de culpabilité la ronge
accentué par l’attitude et les paroles de sa mère qui résonnent sans fin. Ce
drame conduira à l’éclatement et au déchirement de toute la famille Tide. Tous
éprouvent cette émotion insidieuse et omniprésente : la culpabilité. Ils
se reprochent de ne pas avoir assez aimé ou protégé le plus jeune et le plus
fragile d’entre eux.
En parallèle, ce roman nous
emmène à suivre les traces passées et présentes de trois femmes ; deux sœurs Cassie et Dora et leur mère Helen.
Les chassés-croisés entre deux époques et les différentes voix narratives nous
dévoilent les choix individuels, les circonstances du drame. Nous nous
attachons aux personnages dans leur deuil, leur colère, et leur l’angoisse continuelle.
Les relations se compliquent.
"Elle
pleure une décennie de regrets et, à nouveau, le petit être qu’ils ont perdue à
jamais." (p 178).
"Helen acquiesça, mais
elle sentait son cœur se briser lentement, comme une bûche à moitié consumée qui
s’effondre sur un tas de cendres froides." (p 205).
L’état dépressif d’Helen,
alternance de tristesse et d’apathie, provoque chez elle l’idée qu’elle ne
récupérera jamais le goût de vivre. Elle renonce à ses deux filles, refuse de
communiquer avec son entourage et s’enferme peu à peu dans cette maison
campagnarde qu’elle appréciait si peu ; un mausolée de souvenirs et de
châtiments. Les deux adolescentes grandissent, seules, suivant leur
personnalité, elles abordent l’accident
différemment. Cassie se révolte, elle refoule sa tristesse derrière une grande
colère, jusqu’à vouloir fuir, s’échapper.
Dora se referme sur elle-même, solitaire et brisée. Nous partageons la
tourmente et les souffrances de toute une famille. Seul, le père Richard ne s’exprime
pas. Nous connaissons ses états d’esprit seulement par ses dialogues et attitudes.
"Chacune
semblait enfermée dans sa sphère privée de souffrance et ne pouvait s’approcher
des autres, incapable de les regarder en face, de leur parler du tourment qu’elle
endurait. Elles avaient été brutalement séparées, comme les feuilles jaunissantes
qui commençaient à tomber en voltigeant au vent d’automne glacial. "
( p 209).
L’utilisation prononcée d’analepses
nous éclaire sur le passé des personnages et leur psychologie. La mort tragique
du jeune Alfie renvoie tout son entourage à leurs limites et leur impuissance.
Comment faire face au chagrin ? Comment survivre et continuer à éprouver des
sentiments ?
J’ai beaucoup aimé l’écriture
d’Hannah Richell ainsi que le schéma de
son roman. Malgré le thème abordé, la mort tragique d’un enfant et ses
conséquences : vies brisées, bonheur et avenir égarés ; le récit
reste lumineux, la boîte de Pandore ouverte, il ne reste au fond plus que l’espoir,
la vie reprend le dessus ! Difficile
d’oublier une telle histoire.
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